Claudine Drai : L’âge de Bronze

Margaux Buyck. « Tout crépuscule est double, aurore et soir. Cette formidable chrysalide que l’on appelle l’univers trésaille éternellement de sentir à la fois agoniser la chenille et s’éveiller le papillon. » Victor Hugo

Du 14 mars au 12 mai 2012, à la galerie de Noirmont, l’artiste plasticienne Claudine Drai présente sa deuxième exposition personnelle : l’être au Monde.

Depuis maintenant une douzaine d’années, l’artiste plasticienne française Claudine Drai dévoile au spectateur des mondes peuplés de présences fantomatiques faits de papiers de soie, de visage de craie et de mine de plomb, de gouttes d’air et d’instants de poésie.

Pour cette artiste qui se présente comme « un sculpteur du langage », la création est « une tentative de vivre sa présence au monde ». Chaque exposition, chaque installation, chaque collaboration qu’entreprend Claudine Drai entraîne le spectateur dans un voyage sensoriel et onirique où il rencontre ces êtres de papiers vaporeux, présences à la fois douces et inquiétantes. Si le papier de soie semble être une des matières de prédilection de l’artiste, Claudine Drai diversifie sa mise en scène au travers de multiples collaborations et expositions. Le monde de la danse, par exemple, semble inexorablement être attiré par les univers qu’elle façonne[1]. Les silhouettes de papier ne sont pas sans rappeler des danseurs et la composition de l’œuvre est orchestrée comme pourrait l’être une chorégraphie.

D’autre part, on ne peut s’empêcher en se confrontant aux œuvres de Claudine Drai, d’y voir des références à l’art japonais. Certaines toiles de l’artiste semblent être le théâtre de bataille entre deux armées de samouraïs. Les êtres de soie s’élancent les uns vers les autres, fendant la toile de leur bras/sabre dans une lutte pleine d’esthétisme et de poésie comme le feraient les guerriers d’une légende japonaise.

La dualité de Claudine Drai réside en cette alchimie de contraires et des contrastes.

Ses œuvres  expriment à la fois la fragilité et la force, l’étrangeté et le calme, la présence et l’absence.

 

De la chrysalide de soie à l’imago de bronze.

L’exposition qui se tiendra à Paris à la galerie Jérôme de Noirmont, du 12 mars au 14 mai 2012, marque une nouvelle phase dans la carrière de l’artiste.

Les petites nymphes de papier qui peuplent l’univers de Claudine Drai muent, se transforment pour donner naissance à l’être au monde : cinq sculptures de bronze, d’un mètre quinze.

L’art de Claudine Drai évolue et prend une nouvelle ampleur[2].

Pour la réalisation de cette nouvelle exposition, l’artiste collabore à partir de 2010 avec les fondeurs de Suse, d’autres orfèvres de  la matière auxquels elle confie ses fragiles êtres de soie.

L’usage du bronze, matériau intimement lié à l’histoire de l’humanité, renvoyant inéluctablement à l’idée d’éternité, laisse à penser que Claudine Drai cherche à donner une pérennité et un caractère plus universel à son art.

L’usage d’un matériau aussi fort et brutal que le bronze n’enlève pas aux œuvres de Claudine Drai cette impression de légèreté, d’envol des figures, de souplesse, de vaporosité…

Le papier de soie marque de son empreinte le bronze, pour donner naissance à « une alchimie troublante » des deux matières.

Le papier et le bronze sont « des peaux d’âme ». La même expressivité, la même étrangeté et poésie émanent des œuvres. L’être de bronze représenté par la sculpture la déchirure semble se tordre, se contorsionner jusqu’à fendre la chrysalide de soie pour s’élever, prendre son envol. Le bronze semble alors figer le mouvement de la soie qui se déchire, mais aussi la volupté du mouvement et la grâce de l’instant.

Une autre évolution notable caractérise cette nouvelle exposition de Claudine Drai.

L’artiste  nomme ses cinq œuvres bronze. Cinq mots qui pourraient servir à caractériser l’ensemble de l’œuvre de Drai, mais aussi les différents états de la psyché humaine : le silence, la chute, la déchirure, la métamorphose et la renaissance.

 

Bien que la réalisation de ses cinq figures de bronze semble marquer une sorte de passage, de transition pour l’artiste, les nymphes de soie ne sont jamais loin.

Pour l’exposition une vingtaine d’œuvres murales s’additionnent aux cinq images de bronze. Le cocon de soie, la chrysalide originelle est toujours omniprésente démontrant que bien que ces sculptures sont des êtres à part entière, elles restent intimement liées aux nymphes de soie dont elles ont été extraites, tout comme l’âme l’est à l’enveloppe charnelle.


 

 

 

 



[1] En témoigne les collaborations passées et à venir de l’artiste, avec Anna Ventura à l’occasion de Danse à Lille en 2005 ou encore la commande du CDC les hivernales d’Avignon en 2010, en passant par une performance menée de concert avec Setsuko Yamada lors du mois février 2012.

[2] Auparavant les figurines en papiers de soie ne dépassaient les 15/17cm.

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