Au Nord c’étaient les corons

Margaux Buyck. Pour son douzième numéro, The Art Ship, a choisi de consacrer dans sa rubrique francophone, un article à un grand événement français et international : l’ouverture le 12.12.12 du musée Louvre à Lens.

Il y a des nouvelles qui donnent du baume au cœur. Après 9 ans d’attente, les lensois ont pu découvrir ce 12 décembre la nouvelle antenne du prestigieux musée parisien au cœur du bassin minier. Le Louvre-Lens est l’aboutissement d’un projet pharaonique, ayant coûté près de 150 millions d’euros, porté à bras le corps par la courageuse et ambitieuse région du Nord-Pas de Calais. Construit sur un ancien carreau de mine, la fosse 9-9 bis, le musée ambitionne d’accueillir près de 500 000 visiteurs par an, devenant ainsi l’un des fers de lance culturels de la région, mais aussi du pays.

 

Un enjeu de taille pour la région Nord-Pas de Calais.

Au delà de l’intérêt culturel du projet, le  Louvre-Lens est un véritable enjeu économique et social pour la ville et plus largement  pour la région. Touché durement  par la crise, le Nord-Pas de Calais est aussi l’une des régions les plus jeunes de France. Pour Daniel Percheron, président de la région, ce projet est « une greffe sur le programme génétique de la région, une chance extraordinaire pour le bassin minier », qui permettra au Nord-Pas de Calais de relever la tête. En ce sens, Lens a la volonté de s’élever au niveau de la grande métropole Lille et de faire du Nord-Pas de Calais l’une des régions les plus attractives d’Europe d’un point de vue culturel. L’ambition des différents acteurs du projet ne s’arrête pas à la construction du musée, l’objectif étant d’insuffler une véritable dynamique de transformation du territoire et de parier sur son attractivité culturelle. Notons, à ce titre que le bassin minier du Nord-Pas de Calais a été récemment classé patrimoine mondial de l’UNESCO.

Par ailleurs, avec Eurolens,  la région entend offrir de nouvelles perspectives de développement à ses habitants. Il  s’agit de développer une dynamique similaire à celle de Bilbao autour du musée Guggenheim.

 

Le Louvre lensois : une succursale du musée parisien ?

Pour ceux qui pensent retrouver une copie miniature  du célèbre musée parisien en plein bassin minier, la surprise risque d’être de taille. Le Louvre-Lens qui accueille de nombreuses œuvres de l’institution parisienne, n’est cependant ni une simple succursale, ni une réplique du Louvre.

Comme l’évoque le président-directeur du Louvre Henri Loyrette, le projet de Lens est le fruit d’une volonté de décentralisation et de démocratisation de la culture. Il représente une opportunité pour l’institution de renouveler son approche des collections prestigieuses et de venir à la rencontre de nouveaux publics. Le musée de Lens a été imaginé comme un nouveau Louvre, plus accessible, à taille humaine, résolument moderne. Il met en exergue les différentes mutations s’étant opérées ces dernières décennies dans les musées.

 

Un Louvre  résolument contemporain 

Le Louvre-Lens se démarque tout d’abord de son grand frère parisien par son architecture épurée faite d’acier et de verre, résolument moderne. L’édifice relativement bas est composé de cinq  corps de bâtiments. Il s’intègre harmonieusement à son environnement, qui se reflète sur les façades d’aluminium poli et de verre.

L’accès au musée se fait par un immense parc, possédant près de onze entrées. Les chemins menant au musée reprennent le tracé des anciennes voies ferrées qui reliaient les fosses à la gare. L’entrée principale de la fosse 9-9 bis et son puits de mine ont été conservés et intégrés au projet paysagé. Le parc fait partie intégrante du musée, il prolonge en quelque sorte son action. Il fera le lien entre le musée et la ville afin d’inviter la population à s’approprier ce lieu.Une importante programmation culturelle et événementielle est en effet prévue pour toute l’année.

L’entrée du musée se fait par un spectaculaire hall d’accueil : un écrin de verre de 3600m2 aux façades transparentes qui ouvre l’espace du musée sur le site qui l’entoure.

Cet espace central donne accès tout d’abord à la Grande galerie. Avec ses 3000m2 d’un seul tenant et ses120 mètres de long, elle est en quelque sorte l’épine dorsale du musée. Grâce à cet espace unique et l’absence de cloisonnement, le Louvre-Lens rompt avec les codes traditionnels de la muséographie. Les œuvres ne sont plus organisées par départements. Ainsi diverses ères géographiques, différentes époques se côtoient offrant aux spectateurs une lecture comparative et transversale de l’Art et permettant ainsi une meilleure compréhension de l’histoire de l’Art. Le visiteur devra avoir cependant une certaine endurance pour se confronter à cette longue succession d’œuvres en tous  genres.  La Grande galerie présentera de manière semi-permanente de grands chefs d’œuvres du Louvre. Le parcours sera entièrement renouvelé tous les cinq ans, tandis que chaque année une rotation des œuvres sera effectuée. Le but étant de fidéliser le public.

Situé dans la continuité de la Grande galerie, on retrouve le pavillon de verre. Il s’agit d’un espace de pause et de détente de  1000m2 avec d’immenses murs vitrés donnant sur le parc. Ce lieu développe chaque année une nouvelle thématique en parallèle aux œuvres présentées dans la Grande galerie. C’est également dans cet espace que le Louvre s’ouvre davantage à l’art contemporain. Toujours dans un souci d’implication de la région, de nombreuses œuvres présentées dans le pavillon sont prêtées par les musées locaux.

De l’autre côté du hall d’entrée, en  écho  à la Grande galerie on aperçoit la galerie des expositions temporaires. Le vaste espace de 1800m2 offre de grandes possibilités scénographiques pour les deux expositions temporaires d’envergure internationale qui s’y tiendront chaque année. Dans le prolongement de la galerie, comme un reflet du pavillon de verre, s’ouvre la Scène. Il s’agit d’un espace pluridisciplinaire et modulable, possédant des gradins rétractables d’une capacité de près de 300 places. Ce lieu pourra accueillir des manifestations diverses (projections, expositions, concerts…)  Il traduit la volonté de dialogue du musée classique avec  les différents domaines de la création artistique et de la culture. Le lieu de la Scène traduit également cette volonté que le Louvre- Lens devienne  « un musée que l’on fréquente plus que l’on visite ».  Ainsi la Scène, mais aussi l’espace du parc, accessible à tous en dehors des heures d’ouverture du musée, ou encore  l’utilisation du hall d’entrée du musée comme une sorte d’Agora à disposition de la ville révèlent  les nouvelles mutations du monde des musées. « Le musée n’ouvre plus le matin et ferme le soir », il se doit de devenir un véritable lieu de la vie culturelle, artistique et sociale de la cité.

Enfin l’espace qui nous a le plus séduit dans ce nouveau Louvre se trouve au niveau -1 du musée. Il s’agit des réserves. Toujours dans un souci d’ouverture et de pédagogie, elles sont visibles et visitables en petit groupe restreint et accompagné. Le visiteur peut ainsi découvrir les coulisses du musée, rencontrer et échanger avec de nombreux corps de métier participant à son fonctionnement ou encore assister à la restauration d’une œuvre… Il s’agit d’un lieu inédit, dépoussiérant l’image du musée traditionnel, résolument tourné vers de nouveaux publics.

 

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